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Les agences de conseil en vote se prononcent…

On attendait la publication par l’agence de conseil en vote ISS, de ses propositions de modification de sa politique de vote pour la saison des Assemblées générales en 2022. Cette publication est utile pour anticiper les attentes des agences de proxy voting pour la saison des AG 2020. Les principales évolutions de la politique de vote d’ISS sont les suivantes : 

  • Diversité du Conseil d’administration : extension du critère requérant la présence d’au moins une femme au sein du Conseil pour les sociétés américaines et japonaises (2023) et canadiennes (2022). Introduction d’un critère sur la présence d’au moins un membre issu d’une minorité ethnique pour les sociétés américaines (2022) puis anglaises et irlandaises (2024) ;
  • Responsabilité du Conseil d’administration sur les sujets climatiques : pour les entreprises qui représentent les plus grands émetteurs mondiaux d’émissions de GES, ISS va appliquer une politique spécifique de responsabilité renforcée du Conseil sur les enjeux climatiques. L’agence va notamment étudier avec attention les actions mises en place par l’entreprise pour mesurer ses émissions puis la stratégie et les objectifs adoptés pour mettre en place des mesures d’atténuation des émissions, qui devront être conformes au référentiel de reporting de la TCFD. ISS recommandera de voter contre la nomination ou le renouvellement des dirigeants des entreprises qui ne donnent pas satisfaction au regard de l’évaluation de leur stratégie climat ;
  • Rémunérations : en Europe, ISS remarque que de nombreuses entreprises ont inclus des dispositions statutaires leurs permettant de déroger à leurs politiques de rémunérations, sans définition claire des limites dans lesquelles ces dérogations trouvent à s’appliquer. Or, ISS remarque que la Directive SRD II n’autorise l’application de ces dérogations que dans des circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire des situations où cette dérogation est nécessaire pour assurer la viabilité de l’entreprise ou servir ses intérêts de long-terme. De ce fait, ISS durcit sa politique de vote sur les rémunérations dans l’EU, pour analyser plus strictement si les rémunérations proposées sur la base de dérogations posées dans les politiques de rémunérations des entreprises répondent à des critères dérogatoires dont les limites sont clairement définies dans les statuts de l’entreprise, en conformité avec l’esprit de la Directive SRD II ;

  • Rémunérations – critères ESG : ISS va également renforcer son évaluation des critères ESG d’obtention de rémunération variables des dirigeants.

  • Nouvelles politiques de vote sur les résolutions Say on climate :
  • Résolutions soumises par les dirigeants de l’entreprises : ISS va fixer sa position de vote sur le fondement selon une approche au cas par cas. Les critères de décision seront la complétude et la rigueur des objectifs de réduction des émissions pris par le management dans le cadre du plan climat présenté pour vote dans la résolution. ISS s’attachera également à analyser la qualité méthodologique du reporting sur les émissions de GES, la rigueur des objectifs (alignement sur le SBTi) et la vérification externe des émissions publiées ; 
  • Résolutions introduites par des actionnaires : ISS se positionnera aussi sur une approche au cas par cas, selon la pertinence de la résolution au regard de la maturité et l’ambition de l’approche l’entreprise dans la détermination ou la réalisation de ses objectifs climat.

 Au sujet des résolutions Say on climate, Noëlle Lenoir, avocate, analyse les questions que ces résolutions posent en droit français des sociétés. Ces résolutions mettent en effet en question le principe de répartition des pouvoirs entre organes sociaux de l’entreprise. L’arrêt Motte du 04 juin 1946 de la Cour de cassation a affirmé que « il n’appartient (…) pas à l’assemblée générale d’empiéter sur les prérogatives du conseil en matière d’administration ». Or, selon l’article L.225-35 du code de commerce : « le conseil d’administrationdétermine les orientations de l’activité de la société, et veille à leur mise en œuvre, conformément à son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».  Le vote par l’Assemblée générale d’une résolution Say on climate approuvant la stratégie climat de l’entreprise serait-il donc un empiétement sur les pouvoirs du Conseil d’administration ? La Cour de cassation a cependant affirmé en 2018 que le droit de critique de l’actionnaire est un droit de libre expression concernant les actes de gestion de la société, qui ne saurait pas être restreint si la critique est fondée sur une base factuelle suffisante et porte sur un sujet d’intérêt général. Ces considérations ont été reprises par la Cour Européenne des Droits de l’Homme lors d’un arrêt en 2020 : « l’actionnaire est en droit d’exercer un contrôle actif sur l’entreprise afin d’améliorer sa gouvernance et de favoriser la création de valeur à long terme » et de « responsabiliser les dirigeants […] afin de les amener à tenir compte des intérêts à long terme de leur entreprise ». Ainsi, le dépôt d’une résolution Say on climate par un actionnaire, tant qu’elle respecte les critères énoncés ci-dessus, est un acte licite relevant de la liberté d’expression de l’actionnaire en droit français et européen.