
D’après le rapport Q3 2022 d’activisme actionnarial de Lazard, 44 campagnes à l’international ont été initiées au 3e trimestre 2022, soit un bond de 52% sur un an. Sur toute l’année 2022, 171 campagnes ont été initiées, un bond de 39% sur les quatre semestres de l’année 2021 réunies. Si l’Amérique du Nord domine, en Europe, la France devient un terrain de chasse. Bien que le Royaume-Uni tienne la première place en Europe avec 40% des campagnes dans la région, la France arrive en deuxième place avec 18% des campagnes européennes. Le rapport a également ciblé deux tendances en évolution sur le plan international :
- Avec la règle universelle du vote par proxy en place, et de nombreuses opportunités de mise en candidature d’administrateurs pendant la saison des AG 2023, il y aura certainement une résurgence de campagnes visant la représentation au sein des Conseils d’administration.
- La remise en question des critères ESG et leur importance pour les investisseurs et entreprises (par exemple : l’affaire entre ESG et le rôle du Texas)
Le dernier rapport sur l’activisme actionnarial, publié le 6 décembre, par le Club des juristes, partage ce constat. La commission a été réunie à l’initiative de Michel Prada, président de cette commission et ancien Président de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), et de Benjamin Kanovitch, associé chez Bredin Prat.
« Trois ans après notre premier rapport, nous avons souhaité confronter nos 10 recommandations sur l’activisme actionnarial au contexte économique et normatif qui évolue vers plus d’activisme en matière d’ESG » explique Benjamin Kanovitch, rapporteur de la Commission au Monde du Droit. La commission remarque :
- Sur le plan statistique, l’activisme actionnarial connaît un réel dynamisme en 2022. Dans un contexte de reprise économique post-pandémie et d’instabilité internationale, les actionnaires ont effectivement porté l’activisme à des niveaux inobservés depuis 2018, année record.
- Depuis la loi PACTE, les émetteurs sont de plus en plus confrontés aux campagnes lancées sur la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux ou sur les communications afférentes adressées aux actionnaires. Les questions ESG (Environnement, Social et Gouvernance), qui, traditionnellement, étaient développées accessoirement aux thèses économiques, le sont ainsi de façon autonome, selon des formes similaires aux campagnes activistes classiques.
- Enfin, depuis la publication du Rapport de 2019, l’AMF a fait évoluer sa doctrine sur l’activisme actionnarial et mis à jour ses recommandations en intégrant notamment certaines recommandations du Rapport.
- La Commission a souhaité réexaminer les recommandations formulées dans le Rapport au regard de l’évolution de la doctrine de l’AMF et, en lien avec des organisations représentant des émetteurs et des investisseurs (AFG, Cliff et SFAF), les a confrontées au contexte actuel et aux nouvelles pratiques. Il ressort de ce bilan que certaines évolutions souhaitées en 2019 relatives au dialogue privé entre les investisseurs et les émetteurs, à la transparence des actionnaires menant une campagne activiste et aux comportements en période d’Assemblée Générale, demeurent – encore aujourd’hui – pertinentes.
Le rapport émet également une nouvelle série de recommandations, dont :
- L’élaboration d’un guide du dialogue actionnarial, rédigé par l’ensemble des parties prenantes (émetteurs, investisseurs, régulateurs…), qui fixerait les bonnes pratiques et permettrait ainsi d’encadrer et de fluidifier les échanges entre les actionnaires et les émetteurs.
- L’instauration d’un délai raisonnable entre le moment où la tentative de dialogue avec l’émetteur est engagée et celui où la campagne publique est lancée, afin de progresser encore dans l’instauration d’un dialogue loyal entre les actionnaires activistes et les émetteurs.
- Une invitation à l’AMF à compléter sa position-recommandation n° 2016-08 afin de recommander aux investisseurs de ne pas communiquer pendant les « quiet periods » en permettant toutefois, si nécessaire, aux investisseurs de s’exprimer à titre exceptionnel et en donnant la possibilité alors aux émetteurs de répondre à ces éventuelles déclarations publiques.
- Un renforcement des pouvoirs d’injonction de l’AMF à l’égard des investisseurs, indispensable notamment pour permettre la rectification d’informations fausses ou trompeuses.
- Une réflexion pour faciliter l’identification des actionnaires entre eux, en dépit des progrès réalisés en matière d’identification des actionnaires (ces derniers n’ont eux-mêmes que peu de moyens permettant d’identifier les autres investisseurs).
- L’extension du régime applicable – qui impose au solliciteur actif des exigences d’information à l’attention des actionnaires sollicités et du marché – à tout actionnaire ayant déposé des projets de résolutions ou s’étant publiquement opposé à l’adoption d’une résolution par l’Assemblée Générale proposée par le Conseil et ayant fait campagne auprès des actionnaires (incitation au vote). La Commission souligne qu’une telle extension implique une intervention législative.
Source : Cet article est issu de la veille hebdomadaire effectuée par la FAS, partagée avec les adhérents de l’AASGO. La FAS est membre de l’Observatoire des Actionnaires d’Avenir (OAA) et participe à son Comité d’orientation.