
Une vague de critiques s’est portée sur l’investissement ESG, ainsi que les systèmes de notation. Au cours des dernières années, l’investissement ESG (environnement, social et gouvernance) a connu un boom historique. Les actifs dans les fonds ESG ont augmenté de 53% sur l’année 2021. Cette ruée vers le marché de la finance durable a entrainé avec elle le développement des systèmes d’évaluations.
Depuis ce printemps, ces systèmes d’évaluation font l’objet de nombreuses critiques. Plus qu’une désillusion, beaucoup parlent d’un écosystème devenu néfaste : des entreprises qui pratiquent le green washing, des évaluateurs incohérents, des attentes contradictoires du secteur privé etc. Nous pouvons noter plusieurs évènements déclencheurs dans les derniers mois :
- La perquisition policière surprise des locaux de DWS et Deutsche Bank pour des allégations de green washing.
- Des signaux indiquant que les grands gestionnaires de fonds se refroidissent sur l’investissement ESG (ex : BlackRock a réduit son soutien aux résolutions émanant d’actionnaires proclimat, Vanguard refuse de couper son soutien aux productions de charbon, de pétrole et de gaz).
- La furie très médiatisée de Elon Musk après que Tesla a été retirée de l’index S&P 500 ESG, allant jusqu’à appeler le ESG une ‘arnaque’.
- La guerre en Ukraine, qui a forcé les entreprises et investisseurs devant des objectifs contradictoires (ex. : L’investissement dans la fabrication d’armes ukrainien est-il ESG ? De quelles nationalités peut-on accepter des investissements ?)
Ces évènements parmi d’autres ont lancé une remise en cause du système ESG, jusqu’à présent un sujet tabou. Comme expliqué dans cet article du Financial Times et dans un autre article du Harvard Business Review, les principaux critiques sont :
- Il y a un flou dans la priorisation des objectifs ESG pour les entreprises (ex. : fermer une mine de charbon est positif pour l’environnement, mais négatif pour les employés qui y travaillent).
- Les systèmes d’évaluation ne sont pas cohérents les uns avec les autres, sont contradictoires et peuvent être facilement dupés. On regrette l’absence d’un système d’évaluation ESG standard, rigoureux, objectif et universel.
- Le rendement financier promis par l’ESG semble, pour l’instant, non conclusif.
- L’impression que les milliards de dollars dans l‘investissement durable ces dernières années s’occuperont de la transformation de notre société peut alléger la responsabilité massive des acteurs publics.
The Economist a d’ailleurs dédié son édition de juillet aux problématiques posées par l’ESG. L’issue contient un rapport qui conclut que l’ESG est souvent bien intentionné, mais opère actuellement dans des systèmes profondément défectueux. Selon eux, ces nouveaux standards imposent des objectifs conflictuels aux entreprises, engendrant des dépenses importantes et détournant de la priorité qu’est le réchauffement climatique. Ils proposent de décomposer l’ESG, et de simplement se focaliser sur le E (plus particulièrement les émissions carbone).
En effet, le Financial Times souligne que malgré les obstacles récents, la confiance des investisseurs dans l’énergie renouvelable reste intacte.
L’université de Stanford a publié cet été une analyse des critiques des systèmes d’évaluation ESG. Leurs recherches affirment que : la demande d’information peut surpasser ce que l’évalué peut produire, l’ESG mesure surtout l’impact de la terre et du climat sur l’entreprise et ses actionnaires (et non l’inverse), il existe des conflits d’intérêts chez les évaluateurs. La revue conclut que les évaluations ESG présentent des informations importantes concernant l’impact non financier des entreprises, cependant il existe des failles significatives dans leurs objectifs, leurs méthodologies et model économique qui entravent leur efficacité.
Un système de notation cohérent, unique, et règlementé de l’impact extrafinancier des entreprises répondrait effectivement à beaucoup des problèmes évoqués. Ce secteur attend, en soi, l’efficacité des évaluations financières des entreprises.
David Blood, fondateur de Generation Investment Management, a conclu l’article du Financial Times en rappelant que -malgré les contraintes actuelles- “L’urgence et l’argument économique pour la transition énergétique sont intacts et nous ne devons pas perdre cela de vue”.
Source : Cet article est issu de la veille hebdomadaire effectuée par la FAS, partagée avec les adhérents de l’AASGO. La FAS est membre de l’Observatoire des Actionnaires d’Avenir (OAA) et participe à son Comité d’orientation.