Loi Pacte

Point d’étape sur la Loi Pacte

Par Loïc Desmouceaux, Président de la FAS

 

Remarque préliminaire

Le projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) vient d’être adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale. Il sera examiné en janvier 2019 par le Sénat et, compte tenu de la procédure parlementaire, ce n’est sans doute pas avant le printemps 2019 qu’il sera définitivement adopté et promulgué –sans doute après un examen par le Conseil constitutionnel de certaines de ses très nombreuses dispositions. On ne peut donc faire en novembre 2018 qu’un bilan d’étape avant de possibles évolutions –dont certaines feront l’objet de propositions de la FAS aux sénateurs.

 

LES PROPOSITIONS DE LA FAS DANS LE CADRE DU PROJET DE LOI PACTE

Sachant que la loi PACTE ne contiendrait pas de mesures relatives à la fiscalité du patrimoine, la FAS a agi auprès du gouvernement, puis des députés pour :

  • Favoriser le développement de l’actionnariat salarié
  • Renforcer la protection des intérêts des actionnaires et notamment des actionnaires salariés
  • Renforcer la participation tant directe qu’indirecte des actionnaires salariés à la gouvernance des entreprises
  • Mieux former et conseiller les épargnants salariés.
  1. Favoriser le développement de l’actionnariat salarié

La FAS a suscité deux des mesures du projet de loi :

  • L’extension aux opérations de cession hors marché de l’obligation pour l’Etat de proposer une tranche de 10% des actions cédées aux salariés et anciens salariés éligibles, dès lors qu’il détient plus de 10% du capital (hors très petites participations) ;
  • Un forfait social ramené à 10% (au lieu de 20%) pour l’abondement de l’entreprise en cas d’acquisition de titres de l’entreprise ou d’une société de son groupe ; c’est la première fois que le taux du forfait social dépendra de la nature du placement et, en l’occurrence, de la prise de risque, ce que la FAS défend constamment dans ses propositions.
  1. Renforcer la protection des intérêts des actionnaires et notamment des actionnaires salariés

La FAS a obtenu par amendement parlementaire une mesure de protection des actionnaires salariés dans le cadre des sociétés par actions simplifiées (SAS) : l’interdiction de leur imposer par les statuts des obligations de cession forcée de leurs titres, d’agrément pour leur cession, ou encore d’inaliénabilité pendant 10 ans (clauses que la loi rend normalement possible dans le cadre des SAS).

Dans ce domaine, la FAS a par contre échoué dans ses propositions de deux mesures :

  • Un vote à la majorité des 2/3 pour autoriser en assemblée générale extraordinaire la cession de plus de 50 % des actifs d’une société (cas d’Alstom), ce qui est imposé en cas de scission ;
  • Des restrictions à l’abaissement de 95% à 90% du seuil du capital détenu pour imposer aux actionnaires minoritaires (qui peuvent être des actionnaires salariés) la cession forcée de leurs actions cotées (procédure de retrait obligatoire), ce qui peut permettre des manœuvres spoliatrices, sous réserve du contrôle que pourra exercer l’AMF.
  1. Renforcer la participation tant directe qu’indirecte des actionnaires salariés à la gouvernance des entreprises

La FAS a obtenu 3 avancées législatives :

  • La suppression pour certaines sociétés de s’exonérer de la présence d’un administrateur actionnaire salarié dès lors qu’elles avaient, avant 2013, au moins un administrateur salarié (cas notamment de la Société Générale et de BNP Paribas) ;
  • L’obligation pour les sociétés non cotées d’avoir un administrateur actionnaire salarié dès lors qu’elles sont tenues d’avoir au moins un administrateur salarié et que les actionnaires salariés détiennent au moins 3% du capital ;
  • Possibilité pour les sociétés de prévoir dans leur statuts que les actions gratuites détenues au nominatif, dont l’attribution a été autorisée avant la loi Macron du 6 août 2015, entreront dans le périmètre de leur actionnariat salarié  pris en compte pour la désignation d’un administrateur actionnaire salarié (ce qui est légalement obligatoire dans le cas d’actions gratuites dont l’attribution a été autorisée après la publication de la loi Macron).
  1. Mieux former et conseiller les épargnants salariés.

Un amendement parlementaire adopté dispose que le règlement d’un PEE devra prévoir « les modalités d’une aide à la décision pour les bénéficiaires ». Ceci est une revendication majeure de la FAS. Pour autant, il est inquiétant de constater que faute de précisions, rien ne garantirait l’objectivité et l’absence de conflits d’intérêts lors de ce conseil qui, pour des raisons économiques, pourrait être automatisé. La FAS proposera donc aux sénateurs de mieux encadrer cette aide à la décision.

 

AUTRES MESURES IMPORTANTES DE LA LOI PACTE

  1. Le relèvement du plafond de la décote lors des offres réservées aux salariés et anciens salariés, porté de 20% à 30% (et de 30% à 40% en cas d’indisponibilité d’au moins 10 ans)

 

  1. La possibilité pour l’entreprise d’effectuer un versement unilatéral, d’un montant uniforme pour tous ses salariés, pour l’acquisition d’actions de l’entreprise ou d’une société de son groupe (à l’image de ce qui existe pour le PERCO). Les actions seront dans ce cas indisponibles pendant 5 ans au moins. Le plafond de ce versement sera fixé par décret et ce versement suivra les règles fiscales et sociales applicables à l’abondement. Le texte ne prévoyant pas le relèvement de taux en cas de remplacement de la décote par des actions gratuites, la FAS proposera aux sénateurs de remédier à ce qui est sans doute un oubli.
  2.    L’intéressement versé dans les PME (moins de 250 salariés) sera exonéré de forfait social, tout comme la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés.
  3. L’intéressement pourra être calculé en prenant en compte un objectif pluriannuel lié aux résultats et aux performances de l’entreprise. S’ajoutent diverses mesures techniques pour éviter des non versements liés aux plafonds individuels et pour prendre en compte des changements affectant l’entreprise (fusion, scission…).

 

  1. Les plafonds individuels sont portés respectivement à ¾ et à 3 fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale pour l’intéressement et la participation.

 

  1. Un droit à la formation économique, financière et juridique d’une durée minimale de 3 jours pour les représentants des porteurs de parts dans les conseils de surveillance des FCPE (et les administrateurs de SICAV d’actionnariat salarié).

 

  1. Un relevé annuel de situation de l’épargne de chaque bénéficiaire du PEE et des  opérations réalisées, ainsi qu’un plafonnement des frais supportés par les anciens salariés.

 

  1. Une modification du calcul du plafond d’attribution d’actions gratuites excluant les actions non définitivement acquises et celles pour lesquelles il n’y a plus d’obligation de conservation.

 

  1. L’interdiction pour les représentants de l’entreprise dans les conseils de surveillance de FCPE de prendre part au vote (mais non aux délibérations) sur les résolutions présentées à l’assemblée générale. Cette mesure issue d’un amendement parlementaire est motivée par le conflit d’intérêt dans lequel se trouvent les représentants de ceux qui ont proposé les résolutions. Mais elle pose potentiellement la question de conflits d’intérêts chez les représentants non élus des porteurs de parts (qui peuvent notamment avoir fait adopter un projet de résolution par le comité social et économique) et par répercussion la question de la composition de conseils de surveillance  ne comportant que des représentants non élus des porteurs de parts et de l’entreprise (50/50), dont la conformité à la directive européenne du 11 juillet 2007 sur certains droits des actionnaires est douteuse. La FAS suivra avec une particulière attention l’évolution possible du texte.

 

  • La possibilité pour l’Etat de participer aux frais supportés par l’entreprise en cas de cession de ses propres actions et de prendre en charge un rabais de 20% en cas de cession de la majorité des actions au secteur privé (« privatisation »), ce qui pourrait être déterminant pour la réussite de l’opération concernant l’actionnariat salarié.

 

  • Abaissement de 12 à 8 du nombre d’administrateurs (hors administrateurs salariés et administrateurs actionnaires salariés) entrainant la présence d’un deuxième administrateur salarié dans les sociétés concernées en raison de leurs effectifs.

Remarque importante

Le gouvernement souhaitant appliquer dès le 1er janvier 2019 les réductions et exonérations de forfait social, les mesures correspondantes devraient être prochainement introduites par amendement gouvernemental dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 actuellement soumis au Parlement.

 

L’IMPACT DE LA LOI PACTE POUR ORANGE

Il dépendra principalement de la volonté ou de la possibilité financière pour l’entreprise d’utiliser les dispositions nouvelles. Ceci conduit à lister des possibilités :

  1. L’augmentation du taux de la décote lors des offres aux salariés et anciens salariés (passage de 20% à 30%)
  2. Une tranche de 10% réservée aux salariés et anciens salariés en cas de cession d’actions par l’Etat sur le marché ou hors marché.

Attention :

  1. a) ceci ne peut s’appliquer qu’aux cessions d’actions par l’Etat et non par la BPI
  2. b) si la participation de l’Etat au capital d’Orange venait à descendre au-dessous de 10%, l’Etat cesserait d’être tenu de réserver une telle tranche lors de cessions ultérieures.
  3. Possibilité de versement unilatéral et uniforme à tous les salariés pour l’acquisition  d’actions d’Orange (ou de sociétés entrant dans le périmètre de consolidation des comptes).
  4. Possibilité de prendre en compte des objectifs pluriannuels pour le calcul de l’intéressement.
  5. L’inclusion dans le périmètre de l’actionnariat salarié des actions gratuites détenues depuis 2009 au nominatif par des salariés toujours en activité dans l’entreprise (l’article 13.3 des statuts tel que rédigé pourrait le rendre automatiquement possible).
  6. La formation des représentants des porteurs de parts aux conseils de surveillance des FCPE.
  7. L’aide à la décision pour les bénéficiaires du PEG lors de leurs placements ou de leurs arbitrages.